Christophe Hutin

  • Année 2007
  • La Plateforme
  • Rennes
  • du 10 mai au 1er juin 2007

Lors de l’entretien avec Christophe Hutin, que nous montrons à l’occasion de son exposition à La Plateforme, j’ai retenu de lui une rigueur de pensée qui se manifeste dans son travail, des maisons individuelles pour la plupart. Deux mots me viennent à l’esprit, économie et faire espace. Le premier se réfère aux budgets de maisons relativement peu coûteuses, construites avec des charpentes en bois ou métal. Là où le main stream pavillonnaire persiste à faire de la petite construction, dite traditionnelle, Christophe Hutin répond avec des techniques industrielles et contemporaines. Puis, s’il a trouvé une réponse à l’équation coût/bénéfice, c’est déjà un élargissement de l’offre. C’est prometteur, si l’on réfléchit à l’habitat économique à une échelle plus large. Cela fait donc émerger un raisonnement plus général car la maison individuelle est l’objet de recherches des grands entrepreneurs, associés à des architectes, sous l’impulsion du ministre en charge. C’est un marché pour lequel IKEA se prépare à lancer ses kits, un terrain fertile et ouvert à de nouvelles idées.
L’économie permet de faire de l’espace. C’est tout un pan de l’idéologie des architectes modernes que Christophe Hutin reprend à son compte. Je pense aux projets de Mies van der Rohe à Weisenhof et à Pierre Koënig dans son projet phare pour sa Case Study House à Hollywood Hights. Ils sont moins chics et plus petits, les projets de Christophe Hutin, mais à leurs niveaux ils rendent accessibles aux communs des mortels un plan architectural clean, de la lumière, des vues traversantes, des surfaces vitrées en abondance. Il met la modernité à la portée des petits budgets car ses maisons individuelles apportent l’essentiel de la qualité architecturale : l’intégrité du plan et l’espace. Les plans font l’objet d’une partition géométrique intelligente qui lui permettent de hiérarchiser les pièces et les plages d’occupation. Au Bouscat et à Tabanac, une partition en quatre quarts. A Montpeyroux et la Maison Algeco (prototype), une moitié jour, l’autre nuit. La maison à Saint-Jean d’Illac propose un plan de masses formé par un rectangle dans le rectangle. Son plan en « L » intègre la piscine aux autres trois quarts du jardin. Tout cela a du sens et propose une habitabilité optimale.
Cette méthode de travail, en rapport avec son passage par l’agence d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, suppose non seulement une culture architecturale mais aussi une pédagogie d’architecte. C’est une démarche qui invite l’habitant à faire un up grade de son mode de vie, surtout lorsqu’on travaille dans le marché privé. Vivre dans une maison transparente ce n’est peut être pas ce qu’attend l’acheteur moyen, celui qui rêve d’un pavillon figuré dans l’aquarelle suspendue au mur de son imaginaire. Car l’imaginaire est ici dépassé et dissout par l’espace architectural. Ce n’est pas une mince affaire de le convaincre, ce client-là. Il faut du courage et des convictions. L’économie est un bon argument mais ce n’est pas une réponse à tout.
L’imaginaire au sens propre de l’image apparaît dans deux de ses projets : les fleurs imprimées qui habillent le refuge de montagne dans les Alpes (pour Créa-bois) et la tour Baobab, symbole de la culture africaine adoré par la foule rassemblée devant son projet de musée à Cape Town, en Afrique du Sud. L’humour et une certaine forme de plaisir, dérogent la rigueur pour faire la place au spectateur dans la scène architecturale. S’ouvre ici un pan de dualité, invisible dans les maisons citées précédemment, qui peut être le signal d’une évolution future.
Quoi que je puisse dire sur les maisons de Christophe Hutin, d’ajouter ceci ou cela, je dirais aussi que je pourrais très bien vivre dans ces maisons. J’en serais heureux.

Marco Tabet, Paris le 20 avril 2007