Incorporer des processus
Le premier acte d’une conception architecturale pragmatiste, que nous revendiquons, consiste à travailler sur les processus en présence dans chaque situation abordée car nous les considérons comme les vrais matériaux de la conception. Rechercher, identifier et épouser ces processus, tels sont quelques uns des buts que l’on peut se fixer utilement face à chaque situation d’intervention. A partir de là, dans chaque projet, nous voici partis à la rencontre de tout un faisceau d’actions en cours s’appuyant sur des relations en cours et des conventions en cours.
Parmi ces actions collectives et individuelles existantes on trouvera très vite celles qui concernent l’aménagement matériel des lieux. Habiter un lieu induit en effet une action technique, constructive et spatiale quotidienne et continue sur ce lieu. Ce processus de quotidiannisation est l’émanation des habitants, quels qu’ils soient et selon divers degrés de compétence, dans le site où ils vivent. Chaque lieu est en cours de transformation dès qu’il est habité.
Cela signifie que la participation des habitants à la transformation des lieux n’attend pas l’arrivée des architectes pour débuter ni pour se développer. Nous devons renverser la signification dominante du terme participation, c’est au concepteur de prendre part aux processus en cours, il serait donc plus juste de parler de participation à propos de l’intégration son travail d’architecte à un processus de production de l’existant qui le précède. Tout projet d’architecture peut être compris comme un ensemble de touches successives dans un temps qui dépasse le projet de l’architecte.
En inversant de la sorte l’interprétation courante de la participation architecturale, nous pensons prendre en compte l’aspect performatif de l’architecture. Adossés à la perfomance habitante dans de domaine de l’aménagement, de l’embellissement, de la réparation ou de l’attention, la conception des édifices assure leur pérénité dans le temps et leur renouvellement. Et peut être pourra-t-on envisager un renouveau démocratique dans la conception architecturale à partir de ce point de départ.
C’est dans le projet de rénovation-réhabiltation du quartier de Beutre à Mérignac que l’on trouvera une expérimentation très poussée de cette conception architecturale fondée sur le prolongement des processus existants. Mais de nombreuses autres situations de projet peuvent aussi être invoquées, spécialement dans les contextes critiques où les fragiles équilibres en place ne peuvent jamais être négligés. La possibilité d’intervenir pour la transformation du centre social SKY en plein quartier informel de Kliptown en Afrique du Sud, est reliée à cette réalit ; le centre a une histoire, les habitants, le quartier de Kilptown aussi, et nous y participons. Dans tout projet, il s’agirait non pas de créer une situation mais de passer d’une situation à une autre.