La relation
L’architecte John C. Turner, dans les années 1960, écrivait déjà que : “Les valeurs réelles sont celles qui résident dans les relations entre les éléments de l’action d’habiter, entre les habitants, leurs activités et leur environnement”. Le poète Edouard Glissant, en faisant de la Relation un concept clé de l’existence humaine, prolongeait aussi cette philosophie relationnelle : “La poétique de la Relation pressent, suppose, inaugure, rassemble, éparpille, continue et transforme […] Le baroque est la résultante, non érigée, de ce mouvement”.
Aujourd’hui, nous voyons cette valeur de la relation s’étendre pour embrasser d’un seul geste acteurs humains et non-humains : « la seule analyse des relations entre les humains (…) ne suffit à rendre compte ni de la réalité des collectifs humains, ni de celle des individus humains en tant que ceux-ci se redéfinissent partiellement au travers de leurs multiples relations avec ces « non-humains » qui composent leurs divers milieux : animaux, molécules, objets techniques, divinités, procédures, matériaux, bâtiments ». Habiter serait dès lors, avant tout, cohabiter. Investir l’espace de la relation pour s’émanciper de l’espace marchandisé, de la vie prédatrice de ressources. Comment l’architecture contemporaine peut-elle accéder à cette réalité relationnelle de l’habiter ?
La piste ouverte par Glissant concerne l’action présente, l’accomplissement et l’expérience : “Puissance est Relation. La Relation est ce qui en même temps réalise et relate”, c’est une production et un récit, une performance et un énoncé, une sorte de perception-conception au présent que l’on rencontre dans toute improvisation.
Vladimir Jankelévitch parle d’un art de l’occasion : “attendre ne suffit plus, il faut maintenant se tenir prêt, faire le guet et bondir, le bon usage de l’occasion suppose un art qui exige des grâces réceptives et appréhensives ; en tant qu’il crée lui-même l’occasion, il s’apparente à l’improvisation musicale”